Avec 9,5 millions d'emplois en Europe, le PHS (service à la personne et aux ménages) est un secteur clé où le besoin de travailleurs qualifiés ne cesse de croître. En créant des normes de micro-certification adaptées aux profils peu qualifiés, MyCred4Home contribue à combler cette demande et valoriser des compétences souvent invisibles mais indispensables. Favoriser l'inclusion sociale à travers les micro-certifications : c’est le cœur de ce projet que nous coordonnons et dont la conférence de clôture s’est tenue le 24 octobre à la Cité Internationale universitaire de Paris.
IPERIA au cœur d’un projet européen innovant
Le projet MyCred4Home est une initiative de l'Union européenne qui vise à améliorer l'inclusion sociale et professionnelle des personnes peu qualifiées. Ce projet à l’échelle européenne est le 8e auquel nous participons. Nous en sommes coordinateur et nous l’avons déployé avec des partenaires venus d’Espagne, d’Italie, de Chypre et de Belgique. Ces projets européens dans lesquels nous nous engageons sont des moteurs de réflexion et d’innovation, et nous avons à cœur de renforcer et pérenniser ces travaux en les intégrant dans les dispositifs accessibles et en lien très direct avec le cadre politique dynamique et engagé de la branche professionnelle de notre secteur.Pour comprendre la genèse de ce projet, il faut remonter à 2021 : « Lorsque la Commission européenne a lancé sa réflexion sur les micro-certifications, nous n'avons pas hésité longtemps pour nous saisir du sujet et imaginer qu'il pouvait y avoir un pont à faire en faveur des salariés. En tant que certificateur au sein du cadre français de reconnaissance des compétences dit « formel », nous avons aussi conscience de l’importance de réfléchir à d’autres moyens de reconnaitre les compétences au bénéfice des parcours professionnel pour toujours mieux les accompagner et les sécuriser », a indiqué Nadège Turco lors de sa prise de parole.
Pour la Directrice déléguée d’IPERIA, ce sujet vient faire la jonction avec de nombreux enjeux que nous rencontrons tant en France qu’au sein de l’Union européenne : « Il répond à la nécessaire mise en visibilité des compétences des salariés de notre secteur qui n’ont souvent pas les qualifications formelles et dont les habilités sociales développées sont essentielles à la bonne réalisation de leur métier. De plus, il favorise l'inclusion sociale et l'insertion professionnelle de publics fragiles tels que les migrants, les demandeurs d'emploi et les personnes en reconversion, en offrant une solution de reconnaissance des compétences plus concise, accessible et personnalisée, répondant aux besoins spécifiques de chaque individu ».
Reconnaître des compétences non formelles
Les micro-certifications, au cœur du projet MyCred4Home, sont un outil de reconnaissance des compétences étudié de près en Europe. C’est ce qu’a expliqué Anastasia Pouliou lors de l’événement à la Cité Internationale Universitaire de Paris. Experte du Département de la formation professionnelle et des qualifications au Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP), elle a partagé ses travaux qui définissent les micro-certifications comme des qualifications visant à reconnaître des compétences spécifiques, acquises souvent en dehors de parcours traditionnels. Elles répondent aux besoins du marché de l'emploi en offrant des compétences modulaires et flexibles, favorisant ainsi l'employabilité et l'apprentissage tout au long de la vie. Ce format aide les travailleurs à s’adapter rapidement face aux évolutions économiques et technologiques.
Les nouvelles formes de reconnaissance peuvent aussi passer par les Open Badges. Philippe Petitqueux, Secrétaire général de Reconnaître - Open Recognition Alliance, fortement engagé pour la promotion de cet outil, a apporté son expertise et des éclairages lors de l’événement de clôture de MyCred4Home : « Le badge permet de dire « j’ai appris quelque chose et j’aimerais bien que ce soit visible ». On met des mots sur des aptitudes, des expériences acquises, on les documente. Derrière l’image, il y a une quantité d’infos : description, critères, autres bénéficiaires du badge, date d’émission, endossements, etc. Ils peuvent éventuellement créer un lien vers un référentiel (ROME, ESCO...). C’est un outil inspiré du monde des scouts qui se reconnaissent à travers les écussons qu’ils cousent sur leur veste. Pour l’emploi à domicile, cela peut permettre de travailler sur l’estime de soi, de donner l’opportunité aux personnes de parler de leurs compétences, de gagner en confiance ».
Anatolii Garmash, spécialiste senior en qualification à la Fondation Européenne pour la Formation (ETF) a, pour sa part, expliqué comment les micro-certifications soutiennent des parcours d'apprentissage plus flexibles et tout au long de la vie, en alignant l'éducation sur les besoins changeants du marché du travail. Les micro-certifications sont considérées comme un moyen de valider des compétences spécifiques de manière plus ciblée, ce qui est particulièrement utile pour les personnes qui souhaitent développer de nouvelles compétences sans s'engager dans des programmes longs.
Les passerelles existent. Ainsi, en validant et attestant de micro-compétences acquises et en intégrant les Open Badges, le projet MyCred4Home augmente la visibilité et l’authenticité des parcours des professionnels du secteur des services à la personne et aux ménages (PHS), un domaine en pleine expansion en Europe, qui couvre des métiers essentiels tels que l'assistance aux personnes âgées et aux familles.
Un projet, 4 étapes
Le parcours proposé par MyCred4Home, quel est-il ? Comment a-t-il émergé ? Comment s’est-il construit au fil des 30 mois du projet ? Les acteurs européens de MyCred4Home réunis en présentiel et en distanciel à la Cité universitaire de Paris, ont apporté des éclairages.Ariana Camacho, Chargée de projets pour IPERIA, a retracé les 4 étapes : « Nous avons débuté par une recherche de terrain et une prise de contact avec des experts du secteur, des salariés et particuliers employeurs dans les différents pays. Cette phase a permis de cibler les compétences les plus attendues dans l’emploi à domicile et de concevoir des évaluations pour chaque micro-compétence, réunies dans un référentiel. La troisième étape a été celle de l’expérimentation des outils dans deux pays, l’Espagne et la France. Enfin, la dernière marche est celle de la compilation conduisant à la rédaction d’un guide pratique. A chaque étape, le projet est devenu un peu plus concret ».
Pour franchir la première étape, celle d’étude et de recherche, le STePS (société italienne de consulting sur la formation des adultes, la recherche sociologique, etc.) représenté par Roberto Righi, son Président, a réalisé une phase de recherche menée dans 5 pays, qui a mis en évidence trois points importants : « La micro-certification est une nouvelle opportunité d’apprentissage tout au long de la vie ; il est essentiel de combiner savoirs formels et informels, et de promouvoir le dialogue social et l’attractivité de ce secteur qui ne doit pas être sous-estimé et sous-évalué. Nous apprenons chaque jour de façon informelle et nous acquérons des savoirs et savoir-faire, il est important de les reconnaître ».
4 micro-compétences évaluées sur une plateforme interactive
La deuxième étape a pleinement engagé les équipes d’IPERIA puisque c’est notre Service Ingénieries des métiers et certifications professionnelles qui a identifié, à partir des recherches du STePS, les micro-compétences à évaluer pour s’insérer dans le secteur comme employé familial, et a procédé à la rédaction d’un référentiel. Camille Savre, Responsable du service, est revenue sur cette mission : « Nous nous sommes posé la question suivante : quel type de compétentes pouvait-on évaluer ? Notre idée a été d’explorer des compétences qui ne sont pas forcément visibles. Et nous en avons identifié 4 ». Ces micro-compétences sont les suivantes : techniques (réaliser des opérations de nettoyages), savoir-être (respecter les instructions), langagière (adresser des phrases simples à son employeur), et transversales (savoir s'organiser).
Afin d’évaluer ces micro-compétences à partir du référentiel construit par IPERIA, l’équipe de l’Université de Chypre a développé une plateforme interactive que Constantinos Tefkros Loizou a présenté le 24 octobre à Paris. Une mise en situation ludique et interactive qui permet de tester les (futurs) salariés, et ce en multilingue : Français, Espagnol, Anglais.
Intuitif, facile à utiliser : le site destiné aux candidats les met en situation. Ils doivent remplir diverses missions qui sont ensuite évaluées par un examinateur. Précision importante : le candidat expert peut lui-même devenir évaluateur s’il obtient le niveau expert du badge. A noter que la plateforme sera opérationnelle début novembre.
Enfin, Ariana Romero, de l’organisme de formation espagnol GDOCE, a partagé son expertise. Son équipe et celle de Camille Savre ont en effet mis en place un test grandeur nature de la plateforme auprès de 30 personnes : 15 demandeurs d’emploi espagnols et 15 demandeurs d’emploi et salariés français). Ce test a permis de valider la méthodologie avant de proposer des recommandations pour une adoption plus large dans le secteur PHS et potentiellement dans d'autres secteurs. Ainsi, les retours d’expérience vont contribuer à enrichir un guide pratique, le 4e livrable de ce projet, que l’équipe espagnole a la charge d’élaborer. Il sera conçu pour expliquer aux autres entités du secteur, voire d’autres secteur, comment structurer, développer des normes et méthodes autour de la micro-certification.
Un avenir en France autant qu’en Europe
Avant de clore les échanges, Nadège Turco a souhaité souligner que tout ce qui a été dit par les experts présents à cet événement fait écho à ce que nous rencontrons aujourd’hui en France : la nécessité de créer des leviers d'emploi pour les personnes, de leur permettre de continuer à progresser éventuellement en interne, de penser de nouveaux outils de parcours professionnels et de sécurisation des parcours. « C’est ce que nous faisons en France avec les partenaires sociaux et je pense que très rapidement nous allons reparler de la micro-certification avec le secteur parce que c'est un levier très fort » a-t-elle précisé.